A l'heure où nous écrivons ces lignes, la plupart des managers et chefs d'entreprise luttent pour minimiser l'impact des dégâts du Coronavirus sur leurs entreprises. Cette pandémie inédite a affecté l'ensemble des départements des entreprises mais différemment.
Là où la Finance essaye de composer avec les questions sensibles de trésorerie et de cash management, les ressources humaines font face à des réalités très dures car humaines : réduction d'effectifs, gel de salaires, mesures de chômage technique. Le département commercial, quant à lui, tente de rassurer ses clients pour qu'ils continuent d'acheter, le département IT se démène pour assister les téléconseillers en télétravail pour qu'ils puissent être productifs.
Parmi les départements les plus affectés : le département télémarketing. Pour une meilleure compréhension de l'impact de cette crise sur l'assistance des clients, une récente étude menée par Tethr qui a examiné 1 million d'appels clients pris en charge par les centres d'appels (services clients) de 20 entreprises représentant différents secteurs d'activité.
Ces appels ont eu lieu entre le 11 mars, date à laquelle l'Organisation Mondiale de la Santé a officiellement déclaré que le Coronavirus est une pandémie, et le 26 mars.
L'analyse a utilisé un algorithme de 250 variables permettant d'identifier différents niveaux d'effort des interactions avec les clients allant de "difficile" à "facile" pour la résolution des problèmes. Cet algorithme détermine aussi les éléments sous-jacents des ces différents niveaux.
En bref, l'analyse de la situation a dressé un tableau inquiétant de l'impact du télétravail à domicile sur l'expérience client et sur la gestion de la relation client.
En seulement 2 semaines, les entreprises concernées par cette étude ont enregistré un pourcentage d'appels classé niveau "difficile" deux fois plus élevé que d'habitude (de 10% à 20%). Des problèmes "difficiles" liés à la pandémie allant des réclamations pour l'extension des délais de règlement des factures aux conflits relatifs aux couvertures d'assurance. Le niveau d'anxiété des clients est à son paroxysme ! Ce qui rend le travail des téléconseillers qui travaillent à domicile encore plus ardu.
Les appels qui concernent les aspects financiers sont parmi les plus difficiles à gérer par les téléconseillers, ils sont 2.5 fois plus compliqués.
Cependant, l'anxiété des clients explique une partie seulement de ces difficultés dans le traitement des appels. Un autre facteur tout aussi important : le travail à domicile des téléconseillers. La crise a pris de court tout le monde et toutes les entreprises qui ne sont pas préparées au télétravail. Certains téléconseillers travaillent de chez eux et se retrouvent dans un cadre différent de celui dont ils bénéficiaient dans leurs call centers. Ils se retrouvent sans infrastructure technique (comme une connexion Internet fiable), sans le coaching de leurs managers (qui les aident à traiter les objections difficiles) ...etc. Ils ont, du coup, plus de difficultés pour traiter les appels des clients et prospects. Cette étude a révélé une hausse considérable des deux côtés, clients et téléconseillers, des cas comme :" Je n'arrive pas à vous comprendre", et certaines entreprises de cette étude ont vu une progression du temps d'attente de 34 pourcent et une explosion des escalades des appels à 68 pourcent.
Cette hausse spectaculaire de l'effort dépensé dans l'assistance des clients et prospects est un cauchemar pour les managers. Ces interactions tendues mèneront à un taux d'attrition élevé, et mettra en péril toute l'entreprise qui sera, par ailleurs, beaucoup moins susceptible de générer de nouvelles ventes.
Pour une des entreprises, faisant partie de cette étude, les interactions difficiles ont seulement 6% de chance d'aboutir sur une vente croisée ou une vente additionnelle, en comparaison de 80% de chance pour les interactions faciles. Et parmi les clients qui menacent de partir, ceux qui ont des interactions difficiles avec l'entreprise représentent moins de 4% de chance d'accepter une offre ou une promotion pour les inciter de rester, versus 20% de probabilité pour les clients qui ont des interactions classées comme faciles.
Que peuvent, donc, faire les entreprises pour aider ses téléconseillers et leurs clients pour traverser cette période complexe ?
La gestion de la Relation Client doit changer et nous avons identifié 3 tactiques et conseils qui doivent être adoptés par les leaders avertis.
Les managers des call centers doivent garder leur sang froid
Surenchère médiatique, l'opinion, surinformée, sur réagit et tend à céder à la panique. Or, la peur est mauvaise conseillère et c'est ce qu’il faut éviter à tout prix, notamment, dans les entreprises.
Les spécialistes des maladies infectieuses sont unanimes là-dessus : le coronavirus fait plus de peur que de mal.
- Le coronavirus ne va pas anéantir l’humanité. Il causera malgré tout des dégâts, notamment, économiques.
- Le coronavirus n’est pas plus dangereux que la grippe saisonnière. Mais, comme elle, il peut tuer les plus fragiles et les personnes âgées.
- La peur et la panique provoquent plus de catastrophes que le virus lui-même. La bonne nouvelle, c’est que vous ne risquez quasiment rien si vous ne fumez pas et vous avez moins de 60 ans. Mais si vous avez plus de 70 ans et vous avez des problèmes de santé, il faut être vigilant.
- Son taux de létalité n’est que de 2 % à 3 % : le coronavirus se propage rapidement mais tue peu. Les grippes et la rougeole tuent chaque année cent fois plus que le coronavirus.
Pour nous défendre efficacement contre ce maudit virus est de ne pas céder à la panique et de garder notre sang-froid.
Armer les téléconseillers à domicile avec des techniques pour les aider à réduire la frustration des clients.
Rendre les situations difficiles encore bien pires. Dans les sociétés de télémarketing, Beaucoup de téléconseillers sont enchaînés avec les standards de base appliqués avant la pandémie (comme les règles pour l'extension des paiements). Ils se cachent derrière ces règlements et indiquent aux clients qu'ils sont "incapables de les aider"
L'étude révèle que le taux des appels traités par les téléconseillers travaillant à distance les moins performants qui se cachent derrière les standards de base pendant la crise du Coronavirus, est 27% plus élevé que celui de leurs pairs plus performants.
Il est donc indispensable de mettre à jour les règlements pour refléter cette nouvelle réalité et réduire, ainsi, la probabilité pour les téléconseillers d'utiliser les standards de base pour ne pas résoudre les problèmes des clients.
Autre comportement révélé par cette étude et qui durcie encore plus les interactions avec les clients, le doute et la perplexité, en utilisant un vocabulaire négatif et, le plus souvent, router hâtivement les appels ailleurs. C'est-à-dire que le téléconseiller revoie la balle à une autre personne ou à un autre département, en disant, par exemple, "Je vous propose de contacter..."ou "Je ne pourrai pas vous aider, mais peut être eux, ils peuvent..."
Être router ailleurs pour les clients veut dire qu'ils vont attendre et réexpliquer de nouveau leur problème et par la suite, une perte de temps. Dans cette étude, le taux des téléconseillers les moins performants utilisant un vocabulaire pour rediriger les appels et renvoyer la balle à quelqu'un d'autre, est de 38% plus élevé que celui de leurs pairs plus performants.
La solution la plus directe pour résoudre les problèmes des clients est d'autoriser les téléconseillers à faire des exceptions. Cependant, changer la culture du call center et sa politique de fonctionnement peut s'avérer un long chemin. Pour des résultats plus rapides, il est plus intéressant d'armer les téléconseillers avec un langage technique adapté à cette période de pandémie pour réduire l'effort des clients et leur anxiété, mieux encore, en leur donnant plus de pouvoir et de liberté pour qu'ils puissent faire des exceptions.
Des techniques comme "Le plaidoyer", soutenir le client dans son problème, lui indiquent que le téléconseiller est de son côté. Il peut dire quelque chose comme : voyons voir si nous pouvons résoudre ce problème ensemble", fait toute la différence dans le sens où le client quittera l'appel frustré, risque de quitter l'entreprise, ou lui sera encore plus fidèle. Dans cette recherche, le langage du plaidoyer réduit de plus de 77% l'effort des clients pour résoudre leurs problèmes.
Une des entreprises faisant partie de cette étude a suivi ces recommandations et a développé des séances de coaching ciblées pour ses téléconseillers basés sur les techniques du "plaidoyer". Le nombre de ses clients frustrés a brusquement chuté : le 10 mars, plus 40% des appels finissaient par laisser des clients frustrés et des problèmes non résolus, le 23 mars, ce même taux a chuté à 7%. Pareillement et pendant la même période, le pourcentage des appels identifiés comme "difficile" a fortement diminué de 20% à 7%.
Aviser les managers pour ne pas retomber dans les anciennes habitudes.
Les call centers gérés par des dirigeants éclairés et progressistes ont depuis longtemps abandonnés le coaching "ponctuel" pratiqué par les la majorité des centres d'appels traditionnels.
Plutôt que de trouver une heure dans la semaine pour revoir un ensemble d'appels et écouter les enregistrements de chaque téléconseiller (ce qui peut être perçu comme une punition et perturber leur fonctionnement quotidien), les managers avertis développent du coaching "intégré" dans un workflow quotidien.
Ces séances de coaching "intégré" doivent être brèves - avant, après et en live, pendant les appels en cours - en effet, l'étude à montré que ce coaching améliore la performance des téléconseillers de 12%. Les meilleurs managers passent plus de 75% de leur temps alloué au coaching dans ce type de coaching "intégré".
Avec le télétravail à domicile, les managers n'ont plus la visibilité qu'ils avaient avant le Covid-19. Il leur est difficile de trouver du temps avec chacun de leurs collaborateurs pour des séances quotidiennes de coaching intégré. Ils tendent alors de retomber dans les vieilles méthodes du coaching : à savoir bloquer un peu de temps chaque semaine pour chaque téléconseiller et se concentrer sur des métriques comme la durée des appels plutôt que d'observer leurs comportements et optimiser leurs attitudes.
La bonne nouvelle est que le coaching intégré peut être fait virtuellement. Une des entreprises étudiée, forcées au télétravail et qui s'est sérieusement engagée pour prévenir contre le retour en arrière aux mauvaises habitudes de coaching, a trouvé qu'avec des petits ajustements avec leurs téléconseillers, ils étaient capables de prévenir contre les anciennes habitudes.
Un de leurs dirigeants a expliqué qu'il s'assurait que les managers posaient plus de questions ouvertes à leurs téléconseillers pour comprendre comment se déroulent leurs appels - identifier les différents problèmes qu'ils rencontraient - et organiser de mini-séances de coaching tout au long de la journée, utilisant les vidéoconférences pour leur donner des exemples concrets et leur montrer l'attitude à suivre.
Utiliser des outils de collaboration permettant aux téléconseillers de partager leurs savoirs
Encourager le partage d'informations et de savoir entre les collaborateurs est un des secrets des call centers les plus performants. Les téléconseillers qui tirent profit de l'expertise de leurs pairs sont 50% plus performants que ceux qui collent au script et qui cherchent des réponses seulement de la part de leurs managers.
Créer ce type d'environnement interactif est compliqué dans des conditions normales et encore plus compliqué quand les téléconseillers travaillent à domicile. Heureusement, il existe des outils de collaboration comme Slack ou encore d'autre outils de Live Chat qui leur permettent de communiquer avec leurs pairs en temps réel et de partager des informations, des conseils et leurs expériences.
Dès le début de la crise et du télétravail, un manager d'une entreprise, parmi celles étudiées, a très rapidement lancé un groupe de chat et l'a intégré dans la plateforme de son entreprise. Il a remarqué que le trafic sur ce canal est constant depuis le lancement du Live Chat et que les téléconseillers s'entraident, répondent aux questions, font des suggestions à leurs pairs et se partagent les informations très volontiers. Mais aussi que les téléconseillers sont très vifs pour corriger une information incorrecte partagée sur la plateforme. Ils évitent ainsi à l'entreprise les risques de non-conformité et les coûts élevés y afférents.
Le Coronavirus a mis tout le monde sous pression dans les centres d'appels, managers et téléconseillers. C'est une condition réellement inédite. Cependant, en se concentrant sur les compétences humaines, le support des mangers et le coaching adéquat des collaborateurs, il n'y a aucune raison pour l'entreprise ne traverse pas cette crise sereinement et même de s'épanouir.